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dimanche 22 janvier 2012

Leurs ordures sont moins dégueulasses que notre propreté !

« L'Homme s'obstine à inventer l'enfer dans un monde paradisiaque. » Jacques Massacrier
Avis aux esprits rétrécis ou assujettis à l’écologiquement correct : ce billet d’humeur énervée ne fait en aucun cas l’apologie de la décharge et de la déchetterie sauvages, ni même celle de l’abandon du moindre papier gras aux dépens des paysages naturels. La vraie place des poubelles est dans la ville !

Mon souhait est seulement d’inviter le regard « occidental » souvent intolérant à relativiser pour comprendre que les ordures domestiques inesthétiques peuvent être bien moins compromettantes pour la santé des écosystèmes qu’une certaine netteté pernicieuse qui peut occulter les pires contaminations.
C’est un peu le débat entre le point de vue environnementaliste (l’homme dans une nature agréable) qui ne relève que d’une position anthropocentriste et celui vraiment écologique et prééminent qui se réclame du biocentrisme (l’homme est la Nature).
Il n’en demeure pas moins qu’il convient aussi de rester vigilant et de lutter contre le poubellien supérieur résultant tant du consumérisme effréné que de l’irrespect pour la planète, deux tendances allant de pair.
Ce réajustement de point de vue peut s’accorder de tout déchet domestique nonchalamment abandonné in situ mais certainement pas de décharges publiques ou sauvages incontrôlées, induisant la contamination pernicieuse des nappes phréatiques par la redoutable lixiviation produisant le lixiviat, ce jus résiduel issu de la percolation de l’eau à travers les ordures.
Si je force le trait en ayant recours à la dérision, c’est pour remettre quelques pendules à l’heure et susciter un second regard. Parce qu’il y en a marre de cette tendance des pays du Nord, à la fois grands destructeurs et impérieux donneurs de leçons, à vouloir exiger que ceux du Sud soient les gentils artisans d’un jardin planétaire que nous avons-nous-mêmes irrévocablement souillé. D’autant plus qu’après colonisation, génocides, écocides, pillages et appauvrissement, nous imposons aux pays défavorisés, avec cette malignité propre au capitalisme fourbe, cette avalanche de produits aussi séduisants qu’inutiles et toxiques qui constituent le symbole d’une civilisation du jetable et du bonheur poubellable, tout en voulant inculquer concomitamment notre dernière leçon contradictoire, celle de l’économie verte et du développent dit durable. Il faut oser et être doté d’un fieffé cynisme !
Pour tout dire, j’étais revenu en colère d’un voyage au Maroc, mais pas en colère contre le Maroc ! Ce pourrait être au retour d’un tout autre pays émergent ou en voie de développement, comme on dit...
Moi aussi, hygiéniste dans l’âme, j’ai toujours maudit ce laisser-aller qui fait que du Nord au Sud, selon un crescendo bien régulier, tant les populations que les autorités abandonnent n’importe où leurs déchets, qu’il s’agisse d’ordures ménagères ou de rejets industriels. Et dans la Nature, je supporte encore moins que dans les villes… C’est comme un blasphème. C’est déjà aux portes pyrénéennes de l’Espagne que la dose devient peu supportable. Mais une fois sur le continent Africain, alors là, c’est le bouquet ! Comment la précarité de certaines villes marocaines peut-elle engendrer chaque jour une moyenne pondérée d’un bon kilogramme d’ordures par habitant ? C’est de l’ordre du miracle ou du cauchemar. Une récente prise de conscience, induite par une écologisation très active des autorités marocaines, vient de proclamer l’interdiction de la distribution systématique des sacs plastique par les commerçants, ces fameux sacs noirs abominables qui recouvrent la périphérie des villes et des villages, jusqu’aux bourgs les plus reculés. Mais il faudra du temps pour que les velléités deviennent réalités.
Relativisons un brin… Quel est vraiment l’impact sur la nature, la flore et la faune de la plupart de ces ordures isolément « oubliées » ? Eh bien, il est quasiment nul, exception faite, bien évidemment, de tout ce qui relève du toxique. Et justement, c’est là que je veux en venir, à la toxicité d’une certaine propreté plus obsessionnellement hygiéniste et subjective qu’objectivement écologique… Cette sale propreté qui fait que le monde occidental pulvérise, désinfecte, pesticide, pasteurise, vaccine, traite tout et n’importe quoi à outrance.
Ce n’est pas le désordre ordurier qui a tué les abeilles et les autres pollinisateurs du monde occidental… Au Maghreb, les abeilles pullulent !
Comme sous les pavés il y a la plage (…), j’ai découvert depuis longtemps que sous les immondices il y avait de la biodiversité. Ce qui n’est pas le cas des sols où le toilettage chimique passe et repasse !
Il pleuvait souvent et partout au Maroc en la fin d’été du voyage en question…
Dès les premières gouttes de la moindre précipitation, du Rif méditerranéen aux abords du Sahara, c’est par myriades que se manifestait au sol les espèces de la faunule hygrophile, laquelle peut demeurer en diapause durant les longs mois de sécheresse. Partout, y compris dans les rues des villages, sautillaient les grenouilles, les crapauds (crapaud commun, crapaud de Maurétanie, crapaud vert, discoglosses….) et même les rainettes, de tous les âges et de toutes les tailles, notamment les jeunes nés des pluies printanières. Leurs prédateurs, reptiles et oiseaux, étaient de la fête.
Eh bien, imaginez donc cela en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas ou en France !
Visitant en août des champs de luzerne irrigués, la biomasse d’insectes (notamment orthoptères, libellules, coléoptères et « plancton » aérien d’espèces microscopiques) et d’amphibiens était considérable. Pas étonnant qu’au Maroc la cigogne abonde, y compris sur les décharges !
Allez donc voir nos cultures européennes, c’est un désert agraire avec un silence de mort : rien ne bouge, rien ne vole, rien n’y vit ! Sans parler des espaces verts de nos parcs de villes, si joliment ornementés et ordonnés, mais rigoureusement abiotiques.
ALORS…
Nous les obsédés de l’hygiène, nous les adeptes du décor vide, de l’alignement maniaco-dépressif et de la table rase, nous les maniaques de l’environnement, nous les champions du productivisme bien organisé et soi-disant scientifiquement contrôlé, nous avons tout de même irréversiblement tué nos sols et nos eaux, nous avons quand même réussi à disperser et pour toujours quelque 100.000 molécules chimiques dont le cocktail est explosif. Nous les hommes cliniques, toxiques, nous ramassons nos papiers gras mais nous laissons désormais à nos enfants de belles promesses de cancers en héritage. Et plus un têtard, plus une libellule…
Même une mouche ne veut de nous tant nous sommes empoisonnés. La démoustication inconditionnelle, c’est aussi un enfer.
Sachez que même la merde de nos animaux herbivores, polluée par les produits vétérinaires, n’est plus consommable par les bousiers (coléoptères coprophages), que le recul des lombrics et de tous les nobles décomposeurs du sol montrent une accélération effarante !
Bravo messieurs les agronomes occidentaux, bravo bande d’assassins immaculés !
Au Maroc, la plupart des gens ont encore cette chance de manger naturel… Le jour où le Maroc (14 km de l’Europe, c’est du circuit court…) et autres voisins du Sud, aux sols peut-être pas indemnes d’emballages perdus mais encore biologiquement sains, s’organiseront pour exporter les fruits et légumes de leurs terroirs, dont la qualité bio pourra être amplement validée, ce sera la fête dans les cantines de nos écoles… Pour l’instant, nous importons du soi-disant bio d’Égypte et d’Israël, dont les longues distances et la qualité contestable invalident l’objectif. Mais les décideurs marocains, courtisés par les marchands de biocides, sauront-ils résister à l’attrait des profits immédiats de l’agriculture intensive ? Le mal est déjà fait dans la plupart des grandes plaines (céréaliculture, agrumiculture…) et si le bio revêt un avenir, s’il reste un semblant de futur, c’est grâce à une difficile dotation géographique qui fait que le pays rural est essentiellement composé de montagnes et que les terres fertiles n’y sont pas « rentables »…
Le « pas-rentable », c’est vraiment la clé du futur. Chez nous, cette clé est au vestiaire.
ALORS…
Vive la boîte de conserve qui minéralise la terre en se décomposant… Vive l’emballage abandonné et qui sert de refuge aux petits carabiques… Vive le paquet vide de détergent qui attend d’être consommé par quelques insectes détritivores… Rien n’est plus sale qu’une lessive et c’est le contenu qu’il faut proscrire !! Vive l’appareil électroménager hors d’usage et qui sert d’habitation au lézard ! Vive le vieux cageot sous lequel se loge la couleuvre… Et même : vive le n’importe quoi balancé n’importe où !!
Parce qu’il y en a marre de notre vision sectaire du tout-propre, parce que rien n’est pire que les médicaments, les biocides, les engrais chimiques et autres atrocités phytosanitaires (« sanitaires » !!) dont nous avons usés et abusés.
Et non-contents de notre auto contamination, nos compagnies pesticidaires néocolonialistes font maintenant la retape chez les paysans du Sud, leurs promettant monts et merveilles, Crédit Agricole importé à l’appui, pour tenter d’en finir avec la belle agriculture vivrière qui fut aussi la nôtre dans le passé.
Pour tout ami de la Terre, un représentant d’une quelconque multinationale d’intrants agricoles peut être considéré comme un terroriste ordinaire, sans scrupules et sans courage. L’agroterrorisme existe : il nous tue à petit feu.
Que la peste soit des pesticides et des pesticidaires !

Un témoignage local (Valeur écologique d'un verger de l'Atlas) : http://www.inra.fr/dpenv/tarric42.htm

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