| Recycler sa propre urine pour en faire de l'eau potable? C'est à ce stade extrême qu'en est arrivée la ville de Big Spring au Texas. Depuis un an, l'Etat est touché par une sécheresse sans précédent. Dans cette région des Etats-Unis où l'écologie n'est considérée que par le prisme des forages pétroliers, la nature est venu rappeler aux Texans certaines priorités. L'année 2011 n'a vu tomber que quelque 37,8 cm de pluie, le taux le plus bas depuis 1895, l'année où on a commencé à mesurer les précipitations.
Au-delà de l'anecdote sur le recyclage des eaux usées, la sécheresse qui dure au Texas a des conséquences profondes sur l'économie et les mentalités. L'hiver a certes vu quelques rares passages pluvieux, mais la région du sud est toujours en état d'alerte. Il y a trois mois à peine, la moitié du Texas, un Etat de la taille de la France, était en situation de "sécheresse exceptionnelle", le stade ultime sur une échelle de un à cinq. La situation était telle qu'en été dernier, le gouverneur de l'Etat - le désormais célèbre Rick Perry - a décrété trois jours "dédiés à prier pour qu'il pleuve dans l'Etat du Texas." Une sécheresse qui peut durer plusieurs années Cela n'a évidemment rien changé puisque la sécheresse est le résultat d'un phénomène climatique, La Niña, qui se manifeste par des pluies torrentielles dans certaines régions du monde et des épisodes de sécheresse dans d'autres. "Il nous faut des précipitations supérieures à la moyenne pour vaincre cette sécheresse, et ça n'est pas ce qui semble se profiler à l'horizon", prédit le météorologiste John Nielsen-Gammon. Pire, le scientifique entrevoit la possibilité d'un épisode climatique extrême sur plusieurs années. Les premières conséquences de la sécheresse ont été ressenties dans le secteur historique du Texas : l'agriculture et l'élevage. La remise en question est pénible pour cet Etat où les cowboys font partie du paysage. Charley Christensen opère un business de vente de bétail aux enchères dans les vastes plaines de l'ouest du Texas. "Tout le monde vend", constate l'homme au chapeau vissé sur la tête. Dans l'impossibilité d'acheter du foin devenu valeur rare, les éleveurs sont obligés de vendre leur bétail. Sur la terre battue où elles étaient présentées une à une dans ce coin rural à l'été dernier, les vaches étaient dans un triste état. Côtes saillantes, l'air abattu, elles peinaient se déplacer alors que les températures dépassaient les 40° à l'ombre. Mais le climat exceptionnellement aride fait le bonheur des éleveurs venus du Montana, du Dakota ou de l'Oklahoma qui achètent le bétail à prix compétitif. Lourdes pertes économiques Avec l'équivalent de la pluviométrie du Maroc, le Texas a également du faire une croix sur ses récoltes. Le coton, dont 50% de la production est assurée ici, a été complètement annihilé par l'absence de pluie pendant près de dix mois consécutifs. L'Etat a même mis en place une "Hay Hotline" (une ligne d'urgence pour le foin) afin d'aider les éleveurs à trouver des producteurs de fourrages. Au total, les pertes agricoles sont estimées à plus de six milliards de dollars (4,7 milliards d'euros). Et quelque 500 millions d'arbres ont tout simplement rendu l'âme, soit 10% de la surface forestière de l'Etat. Même le secteur touristique a été touché, les visiteurs préférant annuler leur séjour. Le coup est dur dans cette partie des Etats-Unis où les habitants sont habitués à de grandes maisons, une faible densité urbaine, une piscine individuelle et un gazon vert toute l'année. Les restrictions de consommation d'eau ont été votées les unes après les autres dans les différentes municipalités. Limitation de l'arrosage à une fois par semaine, interdiction de remplir ou nettoyer sa piscine, tout comme les lessivages de voitures ou encore les fontaines publiques, sauf si l'eau est réutilisée en circuit fermé. Police de l'eau Les Texans doivent faire preuve de créativité en matière de conservation d'eau. San Antonio, la troisième ville de l'Etat après Houston et Dallas, n'a pas attendu la catastrophe de 2011 pour changer ses habitudes. La municipalité paie pour l'installation de tout toilette avec chasse d'eau à deux vitesses, les eaux usées traitées sont réutilisés pour l'arrosage ou ré-alimentent la San Antonio River, jusqu'à la mise en place d'une "police de l'eau" n'hésitant pas à délivrer des amendes à tout utilisateur excessif. Résultat : la consommation par personne est tombée sous la barre des 500 litres par jour à San Antonio, contre une moyenne de 750 litres dans le reste du Texas. La population de l'Etat va doubler d'ici 50 ans, entrainant une hausse de près de 30% de la demande en eau. Face à ce défi démographique, la seule conservation de l'eau ne suffira pas. 44 usines de désalinisation de l'eau filtrent déjà les eaux saumâtres (moins riches en sel que l'eau de mer) des aquifères souterrains, dont l'impressionnante Kay Bailey Hutchison Desalinisation Plant à El Paso qui produit quelque 100 millions de litres d'eau potable quotidiennement. "Notre handicap, souligne Samantha Pollard de l'agence Texas Water Development Board, c'est le manque d'usines de désalinisation d'eau de mer." Et pour cause, une telle infrastructure coûte en moyenne dix fois plus qu'une usine de traitement d'eau saumâtre. Mais l'urgence est là et d'ici 2014, la première du genre sera construite à South Padre Island, le long du Golfe du Mexique.
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