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mercredi 22 décembre 2010

Négociations climatiques de Cancun: les enjeux pour l’Afrique

Ouvert au Mexique le lundi 29 novembre, le sommet de Cancun fera un bilan des engagements pris depuis un an. Comme la majorité des pays en voie de développement, c’est la promesse d’un financement de 30 milliards de dollars sur trois ans (jusqu’en 2012) et de 100 milliards de dollars d’ici 2020 qui a poussé les pays africains à l’adhésion au texte de Copenhague.
 
Le semi-échec de Copenhague a-t-il coûté 1000 milliards de dollars ?
C’est en tout cas l’estimation de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) dans son édition 2010 du World Energy Outlook. Selon le scénario de l’AIE, la mise en œuvre des politiques actuelles d’ici à 2030 pour limiter les émissions de gaz à effet de serre va engendrer les dépenses de 11 600 milliards de dollars soit 1000 milliards de dollars de plus que l’estimation de l’année dernière. Que faut-il donc attendre des négociations climatiques ? A l’heure où s’ouvre la rencontre de Cancun, cette question peut sembler provocante malgré le surcoût indiqué par l’AIE. Mais l’initiative de quelques pays africains indique peut-être que l’impact de ces grandes messes internationales est à relativiser. En effet, après l’Afrique du Sud et la Zambie, le Zimbabwe vient d’annoncer un financement des programmes d’adaptation aux changements climatiques sur fonds propres. Les conséquences du changement climatique déjà en cours sur le continent et les actions urgentes motivent probablement la décision de ces trois états. Mais il faut garder un œil vigilant sur les négociations internationales et peser sur les décisions qui seront prises car ce sont les éléments géopolitiques et économiques de la gouvernance mondiale qui sont en jeu. La crise a mis en exergue une recomposition de l’ordre économique mondial avec une omniprésence des pays émergents. Cette nouvelle organisation se ressent dans les négociations internationales et le changement climatique n’échappe pas à la nouvelle donne. Il y a à peine un an à Copenhague, le Président Barack OBAMA réunissait le BASIC (Brésil, l’Afrique du Sud, Inde et Chine) pour un sauvetage in extremis du sommet avec l’élaboration en toute urgence d’un protocole d’accord validé ensuite par les autres pays.
Ouvert au Mexique le lundi 29 novembre, le sommet de Cancun fera un bilan des engagements pris depuis un an. Comme la majorité des pays en voie de développement, c’est la promesse d’un financement de 30 milliards de dollars sur trois ans (jusqu’en 2012) et de 100 milliards de dollars d’ici 2020 qui a poussé les pays africains à l’adhésion au texte de Copenhague. Inutile de rappeler que les Etats n’ont pas encore reçus la totalité des versements promis. Comme le rappelle le département climat de la Caisse des Dépôts et de Consignation (CDC), contrairement au Protocole de Kyoto, ce texte n’a pas été adopté à l’unanimité dans le cadre onusien et n’a donc pas de caractère « juridiquement contraignant ». L’un des enjeux du sommet de Cancun pour l’Afrique est l’obtention d’un accord viable sur le plan juridique. Concrètement, l’absence d’obligation légale ne contraint aucun Etat de l’Annexe I (pays développés soumis au Protocole de Kyoto) à une contribution financière. On reste donc dans le cadre du volontariat. Or les nombreuses promesses non tenues obligent aujourd’hui les autorités africaines à s’appuyer sur le droit lors des négociations internationales.
Un autre enjeu de Cancun pour les états africains est le lobbying pour la gestion des financements obtenus. Il a été acté dans a capitale danoise, la création d’un organisme de financement : Copenhagen Green Climate Fund. Vu les sommes mobilisables, la gestion de ces ressources financières n’est pas sans poser des problèmes de leadership. L’exclusion de l’Afrique de la gouvernance de ces masses financières est inimaginable. Sur le continent, il y a un consensus autour de la gestion de l’ensemble des moyens obtenus dans le cadre des négociations climatiques par la Banque Africaine de Développement (BAD). La mise en place du fonds Clim-dev par la BAD est dont une initiative intéressante même si une stratégie ambitieuse, cohérente et offensive permettrait au continent de mobiliser d’énormes moyens dans le cadre de la finance carbone. Ce qui n’est malheureusement pas encore le cas.
Pour une véritable stratégie africaine de financements carbone innovants
Dans son Etude Climat N°24 d’Octobre 2010 intitulée « Cancun : l’an un de l’après Copenhague » la CDC Climat évoque deux pistes pour passer des discours d’intention aux actes. Ces recommandations sont particulièrement intéressantes pour l’Afrique :
- MDP : passer aux approches programmatiques à partir des engagements de Copenhague
Comme nous l’avons souvent indiqué dans ces colonnes, sur plus de 100 milliards de dollars dégagés par la finance carbone, l’Afrique n’a pas suffisamment tiré profit de ce marché. Absence de réactivité, cadre législatif souvent flou, lenteur dans la mise en place des autorités nationales désignées et faible sensibilisation du secteur privé, les raisons ont largement été commentées. Cependant, on n’a pas assez insisté sur le fait que la première vague des projets MDP était orientée dans l’industrie et particulière la réduction des gaz fluorés (HFC). Or faiblement industrialisé, il était difficile pour le continent de mobiliser ces financements. Avec un mécanisme axé sur les projets, les investissements des initiatives MDP étaient très exorbitants par aux revenus dégagés par la vente des crédits carbone. Le passage de la logique de projet à celle de programmes dans lesquels on peut regrouper plusieurs « petits projets » comme le remplacement des ampoules à incandescence par les lampes basse consommation permettra à l’Afrique d’accroître son porte feuilles de finance carbone. De plus l’intégration dans le mécanisme onusien des émissions évitées par une gestion durable des forêts et les projets agricoles sombres en carbone serviront de support pour la valorisation de l’immense potentiel de forêt primaire comme le Bassin du Congo avec plus de 200 millions d’hectares. Depuis Copenhague, le mécanisme REDD+ (Réduction des Emissions dues à la Déforestation et au Déboisement) est clairement envisagé comme un moyen important pour la lutte contre le changement climatique. La voix de l’Afrique à Cancun aura un écho particulier. Avec une position commune et la valorisation de notre riche biodiversité, il est possible de tirer notre épingle du jeu avec au passage quelques milliards de dollars. Comme le rappelle la CDC Climat « les engagements relatifs des pays émergents constitueraient ainsi autant de scénarios de référence (baseline) par rapport auxquels des réductions d’émissions additionnelles pourraient bénéficier de crédits carbone échangeables. Avec de tels mécanismes, le dispositif des projets pourraient changer d’échelle et contribuer de façon significative au financement des transferts promis à destination des pays en développement. »
- Développement des marchés du carbone
Quelque soit l’issue des négociations climatiques, il y a un point où le processus est tellement avancé qu’il est impossible d’y renoncer. Il s’agit évidement du marché du carbone. En imposant à près de 12 000 industriels de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, l’Union Européenne a contribué à l’émergence d’un trading carbone consolidé et fiable. Octroyé gratuitement jusqu’en 2013, ces crédits carbones seront à terme payants et favoriseront le développement de ce marché. Depuis, cette initiative a fait des émules dans le monde. Japon, Chine, Etats-Unis, Corée du Sud, Nouvelle-Zélande, la liste des pays qui ont mis en place une législation favorable à l’émergence des bourses de carbone ne cessent de croître. Sur le continent, la Zambie lancera l’année prochaine le premier marché de carbone en Afrique : www.africacce.com
Les exigences africaines pour la période post-2012
Comme le rappelle le guide des négociations climatiques publié le 15 novembre par l’Institut de l’Energie et de l’Environnement de la Francophonie (IEPF), chaque partie prenante fait valoir ses exigences pour le prolongement du protocole de Kyoto au-delà de 2012. Sur le continent il y a deux voix. Le Groupe africain suggère que les Parties visées à l’Annexe I réduisent leurs émissions de 40 % d’ici à 2020 par rapport à celles de 1990. Ce groupe est en faveur de l’adoption d’actions d’atténuation appropriées au niveau national par les pays en développement en respectant les exigences de mesurabilité, de notifiabilité et de vérifiabilité (MNV) et à condition qu’un soutien financier et technologique soit fourni par les pays développés. Il soutient la création d’un organe permanent pour l’adaptation, sous l’égide de la Convention. Il insiste sur une procédure simplifiée de fourniture de soutien, incluant un accès direct, et considère qu'une commission des finances devrait allouer les fonds sur la base des recommandations de comités techniques créés selon des thématiques précises. L’Afrique du Sud favorise une approche à deux voies. Elle appuie des incitatifs positifs pour stimuler la participation des pays en développement. Elle a d’ailleurs recommandé la mise en place d’un registre des actions d’atténuation appropriées au niveau national étroitement lié au mécanisme financier. L’Afrique du Sud souhaite que les directives de la consultation et l'analyse internationales respectent la souveraineté nationale et que les consultations soient menées dans un cadre multilatéral. À ce titre, elle encourage l'octroi du financement accéléré le plus rapidement possible.
Johannesburg se prépare à Cancun
De l’avis de nombreux observateurs, la rencontre de Cancun ne devra pas déboucher sur un protocole d’accord. Cependant, il devra permettre une clarification de l’accord de Copenhague et acter les modalités d’un protocole légalement contraignant. La Conférence des Parties N°17 qui se tiendra en Afrique du Sud l’année prochaine cristallise déjà toutes les attentes. Le succès de Johannesburg est tributaire des avancées qui seront obtenues à Cancun. L’IEPF résume bien ces enjeux : « La complexité de la tâche résidera donc en la prise de décisions sur des éléments de fond faisant consensus tout en évitant de préjuger de la forme du résultat des travaux des deux groupes de travail de la Convention et du Protocole. Au sortir de Tianjin, les thèmes ciblés pour faire l'objet de telles décisions ont semblé être : l'objectif à long terme, la création d'un Fonds, celle d'un registre pour les actions nationales d'atténuation des pays en développement (NAMA), celle d'un Comité de l'adaptation, les prescriptions MNV et l'inscription des engagements de réductions des émissions des pays développés dans une décision. C'est ainsi de ce véritable travail d'équilibriste que dépendra la continuité du processus multilatéral de négociations sur les changements climatiques, tout faux pas risquant de faire dérailler le processus et de bloquer les négociations. Dans un tel scénario de blocage, l'ampleur des efforts de lutte contre les changements climatiques dépendrait alors de l'ambition des actions nationales des gouvernements et de celles des ententes régionales ou bilatérales négociées sur une base ad hoc hors du cadre des Nations Unies. »  

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