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dimanche 12 décembre 2010

Cancun : un accord qui sauve les négociations internationales

Alors que les 200 pays présents à Cancun étaient en proie à de vifs désaccords jusqu'à vendredi, un accord a pu être trouvé sur des points essentiels de la négociation. Le texte sauvegarde le processus multilatéral de l'ONU pour les futures négociations de 2011, entérine la création d'un Fond vert pour l'aide aux pays en développement et concrétise le programme REDD+ sur la déforestation.
En revanche, il ne permettra pas de limiter l'augmentation de la température mondiale à 2°C d'ici 2050.
Après 11 jours de négociations marquées par de profonds désaccords entre pays industrialisés et pays en développement, un accord global mais a minima a pu être trouvé, ratifié par tous les états à l’exception de la Bolivie, comme ce fut déjà le cas en 2009 à Copenhague. Le président bolivien Evo Morales a évoqué un « écocide » à propos du sommet de Cancun, qui n’est pas parvenu à un texte plus contraignant.

Plusieurs avancées ont été saluées par les participants : premièrement, l'accord sauvegarde le principe des négociations multilatérales sur le climat, alors que de nombreux observateurs craignaient l’implosion du cadre onusien, la multiplication d’accords bilatéraux et le manque de transparence. Ce consensus ouvre donc la voie des futures négociations de Durban en 2011.

Deuxième avancée : la création d’un Fond vert mondial, proposition soutenue depuis le sommet de Copenhague par le Mexique. Ce fonds doit permettre aux pays en développement de s’adapter aux changements climatiques et d’accéder aux technologies vertes, via un transfert de technologies Nord/Sud. Adossé à la Banque mondiale, il doit à rassembler 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2020 ; dont une part de financements dits « précoces » ou « fast start » de 30 milliards de dollars entre 2010 et 2012. Aujourd’hui il est abondé par les l'Australie (20 millions de dollars), l’Union européenne (cinq millions de dollars), la Norvège (cinq millions de dollars) et les États-Unis (cinq millions). Reste à savoir si oui ou non, il s’agira de financements additionnels, et non d’un recyclage des aides au développement comme le craignent les ONG. Corine Lepage souligne à ce sujet que « l'essentiel reste à faire pour définir les ressources qui alimenteront le fonds vert et pour s'assurer que les engagements seront tenus. »

Le processus Redd+ et la lutte contre la déforestation confirmés

Sujet clé depuis Copenhague, le processus REDD+ (voir articles liés) destiné à endiguer la déforestation et à récompenser financièrement les états qui s’y engagent a également connu des avancées positives à Cancun. « Il y a eu des avancées encourageantes sur des points jugés essentiels de l’accord REDD+, se félicite le WWF. Le texte reconnaît ainsi que le mécanisme REDD+ doit contribuer de façon significative à la réduction des gaz à effet de serre, tout en respectant et en protégeant les droits des peuples autochtones et les communautés locales, et à la conservation des forêts naturelles et de la biodiversité. »

Reste une question majeure en suspens : les pays industrialisés ont échoué à poursuivre l’engagement du Protocole de Kyoto, seul traité qui leur fixe des objectifs contraignants de réduction de leurs émissions jusqu’en 2012. Les pays signataires du Protocole ont d'ailleurs reconnu que leurs engagements de réduction d’émissions ne permettent pas de maintenir l’augmentation des températures en deçà de 2°C d’ici à 2050.

Pour autant aucun engagement n’a été pris pour le prolonger au-delà de 2012. Le texte indique certes qu'il faut « s'assurer dès que possible et à temps qu'il n'y ait pas d'écart entre la première et la seconde période d'engagement au protocole de Kyoto », mais le Japon, la Russie et le Canada refusent de prolonger Kyoto en indiquant vouloir un nouveau traité, qui inclurait les grands émetteurs de gaz à effet de serre : Etats-Unis, Chine et Inde.

Bilan : l’avenir post-Kyoto est renvoyé au sommet de Durban fin 2011. Le texte de Cancun prend le risque d’un vide juridique laissé par les gouvernements. Or l'absence d'objectifs précis de réduction posera problème au monde économique. Sans signaux clairs de la part des régulateurs, les entreprises pourraient en effet opter pour le statu quo, et le marché carbone ne pas « décoller ».

Une « bonne base » pour la suite

Pour autant l’optimisme semble régner à l’issue des négociations, qui se sont achevées dans le nuit de vendredi à samedi. "Nous avons maintenant un texte qui n'est pas parfait mais qui constitue sans aucun doute une bonne base pour aller de l'avant", a commenté Todd Stern, chef de la délégation américaine.

"Il s'agit du meilleur résultat possible pour un exercice collectif", a également déclaré la ministre mexicaine des Affaires étrangères. « Ce succès inespéré est en grande partie dû à la présidente de la conférence, Mme Espinosa, qui a su rétablir la confiance par sa diplomatie et son sens des relations humaines, souligne Corinne Lepage dans un communiqué. En établissant un processus transparent et ouvert, la présidence mexicaine a permis de créer le dynamisme nécessaire pour dépasser les obstacles et les à priori avec lesquels certains Etats étaient venus à Cancun ».

Pour la ministre française de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet, « le dialogue multilatéral est sauvé de l’enlisement et de la faillite. L’accord obtenu comporte des avancées concrètes, notamment en matière de lutte contre la déforestation, de transfert de technologies et de financement. Il lance une vraie dynamique en vue de la conférence de Durban l'année prochaine ».

Greenpeace salue également « un grand bond pour le multilatéralisme », mais conclut à « un petit pas pour le climat ». « Des progrès bien plus importants auraient pu être réalisés à Cancun sans l’influence néfaste des États-Unis, du Japon et de la Russie, commente Karine Gavand. Les États-Unis (…) ont nivelé par le bas de nombreux volets de l’accord et jeté le doute sur le succès de la conférence». S’agissant de la position française, l’ONG se montre critique envers Nathalie Kosciusko-Morizet. La ministre « n’a pas voulu s’associer à ses homologues espagnoles et portugais, qui ont annoncé à Cancun leur soutien au passage de 20% à 30% de l’objectif européen de réduction des émissions européennes d’ici à 2020. Ils rejoignaient le Royaume-Uni, le Danemark, le ministre allemand de l’environnement, le Parlement européen, et plus d’une quarantaine d’entreprises telles que Google, Unilever, Nestlé, Danone, L’Oréal ou Allianz…La France doit cesser de freiner les ambitions climatiques de l’Europe et soutenir le passage de 20 à 30% de manière inconditionnelle », conclut l'ONG dans son communiqué.
Véronique Smée

Mis en ligne le : 11/12/2010

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