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mardi 8 janvier 2013

Une visite instructive chez les agro-écologistes

Mieux que l’agriculture biologique, l’agro-écologie version Pierre Rabhi constituerait l’alternative idéale à l’agriculture dite productiviste. C’est en tout cas ce qu’on peut lire dans le dernier ouvrage de Corinne Lepage, La vérité sur les OGM, c’est notre affaire. C’est aussi ce qu’affirme avec son habituelle assurance la journaliste-militante Marie-Monique Robin dans son dernier documentaire Les moissons du futur, réalisé en coproduction avec Arte. « L’industrie chimique a échoué dans sa mission de nourrir les gens : un sixième de l’humanité ne mange pas à sa faim. Il nous faut changer de paradigme agricole, comme le répète Pierre Rabhi. Il existe des alternatives viables pour nourrir tous les habitants de cette planète, notamment autour de la notion d’agro-écologie. Marie-Monique Robin a rencontré partout dans le monde des citoyens, des agriculteurs bio, des experts agronomes, des militants, des économistes, des collectifs... tous rapporteurs d’expériences réussies, d’innovations, d’espoir », explique une certaine Laurence Abonéobio sur le Blog du bio.

Une ferme pilote ?



Pour s’en convaincre, rien de tel qu’une petite visite au Mas de Beaulieu, la ferme expérimentale de l’association Terre et Humanisme (T&H), nichée au cœur de l’Ardèche. Présentée sur le site Bastamag ! comme un « véritable laboratoire des techniques agro-écologistes », l’exploitation pilotée par Pierre Rabhi témoignerait du succès de ce type d’agriculture si « tendance ». Ainsi, nous apprend le site altermondialiste, on pourrait sans difficulté se passer de pesticides, utiliser 4 fois moins d’eau que dans l’agriculture intensive et obtenir des rendements qui n’auraient rien à envier aux productions intensives classiques. À en croire les deux enquêteurs de Bastamag !, on pourrait même faire pousser des tomates en hiver sans recourir à une source d’énergie externe. Avec une telle réussite, pas étonnant que les responsables de Terre et Humanisme interviennent dans les lycées agricoles pour prêcher la bonne parole !

Une main d’œuvre à l’œil



Il n’en a pas fallu davantage pour qu’une « bande de copains » de l’Association française pour l’information scientifique (Afis) décident de participer à une journée portes ouvertes organisée par la ferme expérimentale. « Pour voir sur place ce qu’il en était », ont-ils précisé. « Et on y est allés sans trop faire les arrogants, en s’apprêtant à être un peu épatés quand même par ces agronomes visiblement talentueux », rapporte l’un d’entre eux, l’enseignant Yann Kindo. Ce dernier s’est toutefois interrogé sur l’usage massif de main d’œuvre : 175 stagiaires et 150 bénévoles, qui s’engagent à travailler au minimum 6 heures par jour pour un terrain... d’un hectare ! « Comme le dit un pote qui a mauvais esprit, dans ces conditions-là, ils peuvent facilement se passer de pesticides et arracher les mauvaises herbes à la pince à épiler ! », a-t-il ajouté. D’autant plus que cette considérable force de travail n’est pour l’essentiel pas rémunérée,« voire, croyances obligent, prête à payer une somme conséquente pour venir bosser sur le site », poursuit l’enseignant, qui s’est livré à un petit calcul savant : 10 jours de bénévolat, multiplié par 6 heures, multiplié par 150 bénévoles, égal 9000 heures de travail gratuit par an. Et ce, sans compter le temps des stagiaires ! Dire qu’il y a encore des employeurs pour trouver que le coût de la main d’œuvre est trop élevé en France ! L’agro-écologie de Pierre Rabhi a pourtant trouvé la solution...
Et ce n’est pas la seule surprise qui attendait les visiteurs : le Mas de Beaulieu est incontestablement confronté à de rudes problèmes en matière de lutte contre les ravageurs. « Vous voyez, les choux, ils vont se

reprendre à l’automne, mais là, ils sont envahis par les punaises, et les punaises les mangent, elles les piquent et les sucent, c’est vraiment un gros problème. C’est elles qui ont fait ça, et depuis le printemps, c’en est bourré... Par contre, si les choux survivent jusqu’au moment où il y a un refroidissement, les punaises partent, et eux, ils se développent, à l’automne et à l’hiver », explique Julie, la guide de Terre et Humanisme, à la vingtaine d’esprits curieux venus se rafraîchir les idées agricoles. Autrement dit, le risque d’une production totalement anéantie est plus que réel... les punaises ayant la priorité sur les consommateurs ! « Si vous avez un truc, pour les punaises... J’ai cherché, j’ai cherché, j’ai cherché, je ne trouve rien. Et impossible de les attraper, parce qu’elles se laissent tomber dans la paille », admet, impuissante, la militante. C’est à se demander ce qu’on enseigne dans la formation –au titre pourtant rassurant– « Ravageurs et maladies : les solutions agro-écologiques », que Terre et Humanisme prodigue pour la modique somme de 140 euros les 2 jours...

Vibrations mésentériques



Une dernière surprise attendait encore les visiteurs, sous la forme d’un étrange objet suspendu au toit d’une maison. « C’est un mésentère de cerf », explique doctement la guide de Terre et Humanisme, qui précise qu’il s’agit d’« une partie de l’intestin ou de l’estomac [sic], remplie de fumier, qui sèche et prend les influences cosmiques ». Les initiés auront évidemment reconnu le b-a-ba de la biodynamie de Rudolf Steiner ! « On utilise les principes animaux, donc avec du fumier, reliés au principe là du soleil. Et après, cette préparation sera diluée, dans des quantités assez infimes, dans des eaux d’arrosage, qu’on arrosera [re-sic] à certains moments particuliers pour activer certaines propriétés et qualités », poursuit la représentante de T&H, qui s’enfonce dans une obscure théorie sur ces forces « qui amènent une qualité vibratoire... mais sur un plan qu’on ne voit pas ». À l’en croire, Vénus, qui est reliée à l’eau, apporterait aux légumes-feuilles une indispensable quantité « d’énergie-eau ». Ce qui constitue un avantage non négligeable ! En effet, plus besoin d’eau de pluie, puisque « c’est vibratoire »...

Petits problèmes de parcours... agronomiques !



Malheureusement, les jardiniers de Terre et Humanisme ont encore
bien du chemin à parcourir avant de maîtriser la complexité de ces énigmatiques forces cosmiques. Ainsi, impossible de cultiver épinards, carottes et tout ce qui est navet ! « Le terrain ne leur convient pas ici, j’ai beaucoup de mal, ou alors, je ne sais pas, il faudrait planter dans ça de compost, du coup après ils sont déséquilibrés [sic] », reconnaît, perplexe, le jardinier de T&H, fort de ses... 14 années d’expérience.

En revanche, il semblerait que les plans vibratoires aient été très
favorables aux prunes cette année. Ces fruits étaient si nombreux qu’ils pourrissaient sur les arbres ! Même constat pour les pommes, qui se décomposaient en masse sur le sol. « Elles ont été oubliées lors de la récolte la semaine dernière. Des fois, avec la collectivité, il y a des ratés », reconnaît la guide, visiblement pas très portée sur les questions de rendements.

On comprend qu’avec des méthodes agronomiques aussi avant-gardistes, il soit difficile d’obtenir les moindres données chiffrées, et donc d’établir un comparatif réel avec l’agriculture conventionnelle voisine ! Le discours de T&H reste de fait plutôt évasif lorsqu’il s’agit de la consommation d’eau, ou quand on évoque le sujet des rendements. Seule certitude : sans un changement radical de notre consommation actuelle – et donc de notre société –, le modèle présenté au Mas de Beaulieu n’a pas beaucoup d’avenir...
Bref, ces sympathiques expérimentations n’ont pas grand intérêt. Que le conseil général de l’Ardèche finance l’association Terre et Humanisme et ses amis afin qu’ils puissent s’amuser à capter des énergies cosmiques aqueuses concentrées dans un intestin de cerf rempli de fumier et jouer sur un hectare de terrain comme le feraient des enfants dans un bac à sable, ne regarde au final que les contribuables de la région. En revanche, que ces méthodes agro-écologiques soient promues par des médias nationaux – notamment Arte – au motif qu’elles seraient capables de nourrir 9 milliards d’habitants au XXIe siècle frise l’indécence.

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