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mardi 26 juin 2012

USA : les nouvelles stratégies du lobby climato-sceptique



Le poids des lobbies opposés à toute législation pro-environnementale est bien connu à Washington. Les représentants du Congrès sont les premiers courtisés par les groupes d'intérêt. Mais les stratégies de ces groupes d'influence s'adaptent à la réalité du terrain. Exemple en Caroline du Nord.

Les éditorialistes américains et étrangers s'étranglent face à l'absurdité de la loi votée ce mois-ci par la Caroline du Nord. Tout remonte au printemps, lorsque les autorités fédérales américaines demandent à une commission scientifique d'évaluer les risques du réchauffement climatique sur cet Etat côtier. Selon le rapport, il faut s'attendre à une montée des eaux d'un mètre d'ici à la fin du siècle. Ce qui fait passer plus de 4 000 kilomètres carrés de terres dans la catégorie des zones inondées ou inondables.
Intérêts économiques contre vérité scientifique
Pour l'industrie touristique, les petits commerces et les habitants locaux, cette prévision est une catastrophe économique…dont ils refusent tout simplement les conclusions. Réunis au sein du groupe NC-20, regroupant les 20 comtés côtiers de la Caroline du Nord, les opposants à cette prévision justifient leur position par les mesures draconiennes qu'une telle montée des eaux pourrait avoir, parmi lesquels « des difficultés pour le financement de nouvelles constructions, l'obtention d'assurances habitation, de permis de construire, et l'installation d'autoroutes surélevées inutiles. »
Depuis plusieurs mois, le groupe NC-20 a mené un combat sans relâche contre les conclusions de l'agence scientifique à l'origine des résultats, et avance que, selon sa propre analyse, la montée des eaux ne sera en fait que de 40 centimètres d'ici 2100. Ce chiffre provient de l'extrapolation des relevés historiques de niveau de la mer effectués depuis 1900 et n'inclut pas de scénario prévoyant une accélération de la montée du niveau des océans.
Mardi 12 juin, le sénat de cet Etat du sud a voté en faveur d'une loi qui établit que les calculs de montée des océans doivent se baser sur l'observation de tendances historiques, et non pas « sur des modèles informatiques basés sur des spéculations humaines », selon les termes du lobby NC-20. Sur son site(http://www.nc-20.com/), le groupe justifie la montée du niveau de la mer par des cycles de réchauffement et de refroidissement qui ont lieu « depuis au moins un million d'années » et dénonce le réchauffement climatique comme une « expression à la mode sans fondement ».
Les Etats côtiers américains observent de près les rebondissements de l'affaire de Caroline du Nord. En effet, une hausse d'un mètre du niveau des océans aurait des conséquences dramatiques sur la côte atlantique et celle du golfe du Mexique, où vivent plus de 40 millions de personnes.
Un climato-scepticisme encore très présent aux USA
Cet épisode illustre s'il en était besoin la vivacité du mouvement climato-sceptique aux Etats-Unis. Qu'il soit motivé par des intérêts économiques, politiques voire religieux, ce mouvement traverse les couches socio-économiques. Ainsi, les partisans du mouvement politique Tea Party voient dans le développement durable un moyen pour l'Etat d'imposer plus de contrôles et d'impôts. D'autres clament que ce scénario est incompatible avec ce qui est inscrit dans la Bible. D'autres enfin, réfutent les conclusions de la science dans le domaine pour des raisons purement économiques.
Le poids des lobbies opposés à toute législation pro-environnementale est bien connu à Washington. Les représentants de "Capitole Hill" sont les premiers courtisés par les groupes d'intérêt, qui s'opposent à toute régulation supplémentaire dans le domaine de l'énergie ou encore à la mise en place d'une bourse de carbone.Mais les stratégies d'action se diversifient.
"Les gaz de schiste sans danger pour l'environnement"
L'Université de Buffalo, située dans l'Etat de New York, bénéficie, comme le reste des universités publiques américaines, d'une réputation prestigieuse. Et pourtant, un rapport publié en avril et rédigé par l'un des centres de recherche de l'institution justifie les pratiques polluantes de l'industrie du gaz. Selon ce compte-rendu, l'extraction du gaz par fracturation hydraulique ("fracking" en anglais) est désormais sans danger pour l'environnement, en raison d'une auto-régulation de l'industrie, ainsi que d'un contrôle plus efficace de la part des autorités.
« Le rapport reflète les intérêts des entreprises d'extraction du gaz, pas une recherche académique indépendante », selon l'un des membres d'une nouvelle coalition de professeurs de l'Université de Buffalo qui appelle à plus d'éthique dans la recherche. La fracturation hydraulique est une technique controversée d'extraction du gaz par injection sous très haute pression de larges quantités d'eau et de produits chimiques dans les sous-sols, qui se traduit par la contamination des nappes phréatiques environnantes.

Le rapport, qui évalue la situation dans l'Etat de Pennsylvanie où la fracturation hydraulique est pratiquée depuis 2008, indique que la technique est aujourd'hui beaucoup moins dangereuse qu'avant. La publication sortait à point nommé, puisque l'Etat de New York (où se trouve l'Université de Buffalo) envisage d'ouvrir ses plaines du nord à l'extraction. Un exemple qui illustre le problème plus large de l'influence croissante de l'industrie sur la recherche académique, alors que les bourses publiques se tarissent au profit des « donations privées ».
Cécile Grégoriades à New York

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