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mercredi 25 avril 2012

Dans l'Indiana, la révolution agricole du sans-labour a commencé

BROWNSBURG - Que ferait un paysan sans sa charrue et ses engrais? Des économies, répondent les agriculteurs américains qui, comme Mike Starkey, dans l'Indiana (nord), ne labourent jamais leurs champs et ont lourdement réduit leur utilisation d'engrais... avec en bonus, un sol revivifié.
Un miracle? Non, mais une technique millimétrée qui pourrait ouvrir la voie à une agriculture intensive moins chère et plus respectueuse de l'environnement.
Pour le citadin non averti, les terres de Mike ressemblent à un champ de bataille: résidus de tiges de maïs, trèfles et ivraie tapissent, enchevêtrés, la surface. Rien à voir avec les impeccables hectares de terre labourée d'Europe de l'ouest.


En 12 ans, on est devenu 100% sans labour, dit à l'AFP Mike, un converti de l'agriculture dite de conservation.



Labourer présente des avantages immédiats: aération du sol, remontée des nutriments, élimination des mauvaises herbes. Mais n'importe quel agriculteur sait aussi que chaque labour érode le sol et y tue une partie de la vie biologique.



Pour Mike et des milliers d'agriculteurs du midwest américain, l'agriculture de conservation permet de reconstituer le capital en nutriments de terrains devenus dépendants aux engrais.



Mode d'emploi:



La révolution, en route depuis une vingtaine d'années mais en plein essor, repose sur trois piliers inséparables: le semis direct (sans labour), les plantes de couverture et la rotation des cultures.



A l'automne, Mike sème des plantes de couverture sur ses champs: trèfle, ivraie, luzerne... Comme un tapis, elles protègent de l'érosion, tandis que leurs racines s'enfoncent de plusieurs mètres et deviennent des pièges à nitrate.



Pendant l'hiver, ces légumineuses capturent et stockent l'azote de l'air dans des nodules attachés aux racines, sous la forme de nitrates (l'azote se transforme en nitrate). Un coup de pelle suffit à dénicher ces grains blancs d'engrais naturels et gratuits.



En avril, juste avant les semis, on asperge de désherbant, le fameux roundup.



Quand on tue ces plantes, ces nodules deviennent des réservoirs d'azote qui vont se décomposer beaucoup plus lentement que les engrais, explique Barry Fisher, chantre de la pratique au département de l'Agriculture de l'Indiana.



C'est comme des gélules d'azote qui vont alimenter à la petite cuillère les futurs plants de maïs, décrit-il.



Les nitrates déversés par engrais ont la fâcheuse habitude de couler dans les nappes phréatiques après une forte pluie. Grâce aux plantes de couverture, leur utilisation est réduite.



Pour semer, un tracteur spécial creuse ensuite un sillon, injecte les graines et referme le trou dans un même mouvement, sans cicatrice.



Le maïs se nourrira de la riche décomposition des cadavres végétaux de la saison précédente et des plantes de couvertures.



Côté rendements, l'agriculteur peut y gagner, à condition de bien ajuster les trois piliers du système.



Avec l'équipement et les technologies d'aujourd'hui (...), les rendements sont équivalents aux techniques historiques de labour, estime Tony Vyn, professeur d'agronomie à l'université de Purdue, qui étudie la technique depuis 1975.



L'Indiana est en pointe, mais sur l'ensemble du pays, 35% des cultures sont déjà sans labour, selon les derniers chiffres du ministère de l'Agriculture - dont 50% des cultures de soja.



Pour inciter à la transition, l'Etat fédéral subventionne l'achat des plantes de couverture et des équipements spéciaux pour semer - jusqu'à 50% des investissements.



En Europe, la pratique est négligeable. Aucune subvention n'existe. Seules 1% des cultures françaises ont adopté l'agriculture de conservation, selon la base de données Aquastat de la FAO.



L'une des rares pionnières françaises, Sarah Singla, 27 ans, a repris en 2008 l'exploitation de son grand-père dans l'Aveyron -- sans labour depuis 1980.



Comment explique-t-elle le peu d'enthousiasme européen pour une technique si prometteuse ?



Il y a un frein psychologique, juge-t-elle. Il y a tout un aspect social. Les agriculteurs ont envie d'être sur un gros tracteur et de repasser quatre fois dans le champ pour labourer.



(©AFP / 13 avril 2012 06h15) 

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