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mercredi 15 mai 2013

En finir avec la high-tech jetable?


Ateliers du bocage
Ateliers du bocage
Les Amis de la terre

De plus en plus d'appareils avec un renouvellement de plus en plus rapide…A ce rythme, les nouvelles technologies présentées comme « durables » ont un impact environnemental, social et sociétal non négligeable, mais peu connu du grand public. Camille Lecomte, chargée de campagne Modes de production et de consommation responsables pour Les Amis de la Terre, vient de publier un rapport sur « Les dessous de la high-tech ». Elle nous décrypte les enjeux du secteur.

Pour votre rapport, vous avez contacté les constructeurs de high-tech en leur envoyant un questionnaire. Très peu vous ont répondu. Comment l’interprétez-vous ?
Nous avons aussi voulu voir comment le secteur prend en compte ses propres enjeux environnementaux et sociétaux comme l’extraction de ressources ou la gestion des déchets. On peut dire que nous avons été déçus.  Les fabricants nous ont fait tourner en rond pendant des semaines pour finalement ne pas répondre. Au final, ce sont les fédérations professionnelles qui nous ont contactées, notamment le SIMAVELEC (syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques), pour nous dire qu’ils préféraient faire une réponse collective. Cela dit, sur les 20 questions que l’on avait posées, une quinzaine a été ignorées. Les journalistes se heurtent aussi à ce silence. Le secteur high-tech communique sur ses produits mais pas la façon dont ils sont conçus.
Sous la pression des ONG notamment, les constructeurs de téléphones comme Apple se sont engagés à créer des produits avec un impact environnemental « le plus réduit possible » (1). Pourtant les derniers modèles sont plus émetteurs de gaz à effets de serre que leurs prédécesseurs comme l’iPhone 5 dont les émissions de GES sont évaluées à 75kg sur l’ensemble du cycle de vie quand l’iPhone 4S en émettait 55kg.
Les constructeurs ne respectent en effet ni leur engagement interne ni leur engagement collectif, comme on le voit avec le blocage sur le chargeur universel qui avait pourtant fait l’objet d’un accord volontaire. Celui-ci devait être mis en place en 2011, puis en 2012 mais les constructeurs ne font que le strict minimum avec un chargeur par marque en moyenne…
L’impact sociétal, notamment dû à l’approvisionnement des matières premières, semble lui très peu abordé par les constructeurs. Pourquoi une telle opacité ?
On sait que l’industrie minière est l’un des secteurs les plus dévastateurs sur le point de vue environnemental mais l’exploitation des ressources est traitée dans l’opacité la plus totale. C’est notamment ce que montre un rapport de nos collègues anglais sur les mines d’étain. C’est un minerai que l’on utilise dans les téléphones portables et qui est exploité dans 4 à 5 pays, notamment en Indonésie, avec des graves conséquences sur l’environnement et la vie des communautés (voir le rapport « Mining for smartphones : the true cost of tin »). Dans l’industrie agroalimentaire, les ingrédients sont mentionnés sur le produit, pas pour un téléphone. Les constructeurs refusent de communiquer dessus. La question de la traçabilité est donc essentielle pour nous. Par exemple, l’Europe doit mieux mesurer sa propre consommation de ressources à travers 4 indicateurs : la matière première importée mais aussi son empreinte eau, terre et carbone. Si on prend l’exemple du lithium par exemple, qui commence à être exploité dans les salars (lacs salés, ndlr) d’Amérique latine (voir article lié), il y a un conflit très fort autour de la ressource en eau entre les populations locales qui vivent du salar et les compagnies minières qui exploitent le lithium.
L’un des facteurs aggravants de cette pression sur les matières premières et de ses conséquences est ce que l’on appelle « l’obsolescence programmée » par les constructeurs (voir « la lutte contre l’obsolescence programmée »). On comprend leur intérêt mais le consommateur n’y a-t-il pas aussi sa part de responsabilité ?
Le consommateur a une part de responsabilité car il peut se rendre compte qu’un téléphone continue de marcher après 18 mois, période à laquelle est en moyenne renouvelé le portable. Mais il faut aussi comprendre que tout est fait pour l’inciter à changer le plus souvent possible. Au niveau des pays occidentaux, ce rythme a été pris par la majorité des consommateurs pour les téléphones portables mais il y a fort à parier qu’il en sera de même pour les tablettes et les ordinateurs dont la durée d’usage moyenne est passée de 10 à 3 ans en quelques années seulement. Dans le même temps le taux d’équipement ne cesse de grimper (le taux d’équipement des Français en téléphone portable est de 90%, ndlr). Nous voulons faire prendre conscience aux consommateurs que cela n’est pas anodin tant au niveau de l’exploitation des matières premières que des déchets générés. C’est le but du site internetlancé en parallèle du rapport.
Comment puisque tout nous y incite?
C’est un tout. Nous demandons une loi avec un délit d’obsolescence programmée pour que le consommateur puisse aller en justice. L’obsolescence logicielle (renouvellement très fréquent des systèmes d’exploitation qui stoppe la mise à jour d’un produit, ndlr) va être le prochain fléau. C’est l’obsolescence la plus difficile à comprendre pour le consommateur qui va se sentir trompé car il ne pourra plus assurer les fonctions qu’on lui avait promises (comme les applications). Il faut aussi allonger la durée de garantie de 2 à 10 ans car il y a une vraie corrélation entre durée de garantie, durée d’usage et durabilité tout court. Le consommateur doit aussi être mieux informé de tout ça car aujourd’hui peu savent que la durée légale de garantie c’est 2 ans et non pas 1 comme dans la plupart des contrats. La réparation doit être plus facile que le fait d’acheter, ce qui n’est pas le cas actuellement. Les Amis de la Terre ont d’ailleurs publié un guide de la réparation à Paris pour aider les consommateurs.
Propos recueillis par Béatrice Héraud

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