| A la faveur d'une pénurie de lait bio dans les grandes villes de la côte est américaine, les consommateurs américains réalisent le chemin parcouru par leurs produits organic. La demande pour les produits bio croit de 20% par an depuis 8 ans, une explosion qui a favorisé l'essor d'un agro-business spécialisé. Acheter bio à n'importe quel prix ou privilégier le local sans se soucier du label? La question est posée. |
| Un petit vent de panique souffle parmi les adeptes du bio aux Etats-Unis. Depuis l'hiver dernier, les producteurs de lait ne produisent plus suffisamment de bio. Résultat : les bouteilles réfrigérées commencent à se raréfier sur les étalages des magasins. Un véritable paradoxe lorsque l'on sait que la demande en bio, et en particulier pour les produits laitiers, connaît une croissance vertigineuse depuis des années. Les ventes de lait bio ont augmenté de près de 20% rien qu'entre janvier et octobre 2011, comparé à la même période de l'année précédente. En cause : l'augmentation des prix du grain et du foin bio utilisés pour alimenter le bétail, alors que le prix du lait payé aux fermiers n'a pas bougé. Les agriculteurs diminuent donc les rations de leurs bêtes, et la production baisse. Conséquence de cette inadéquation entre prix du fourrage et prix de revente du lait, de moins en moins d'exploitations laitières conventionnelles choisissent de se convertir à la production bio puisqu'elle peut coûter cher et prendre plusieurs années. Les prix s'envolent...les kilomètres aussi Dans les étalages de l'épicerie fine Union Market à Brooklyn, on ne souhaite pas commenter la pénurie de lait bio. Mais les prix affichés n'ont jamais été aussi élevés : 3,79 dollars le prix du litre de Ronnybrook Farm Dairy, soit près de 2,90 euros. Aurora Organic Dairy, qui opère dans des milliers de fermes dans le pays, estime le taux de pénurie de lait bio à 20%. Un manque principalement concentré sur la côte est des Etats-Unis. Les distributeurs doivent donc regarder plus loin pour satisfaire la demande de leurs consommateurs. Ils font aujourd'hui venir leur lait depuis la côte ouest, moins concernée par le problème car moins dépendante du fourrage bio. L'anecdote illustre le paradoxe des produits bio. Les fruits et légumes font un périple d'en moyenne 2 500 km avant d'atterrir dans l'assiette des consommateurs américains et ils sont distribués par les conglomérats agro-alimentaires du bio à l'instar de la chaîne d'hypermarchés Walmart, qui a lancé sa première ligne de produits bio en 2006. Les distributeurs spécialisés dans le bio comme Whole Foods, qui compte aujourd'hui plus de 300 magasins aux Etats-Unis sont aussi des acteurs majeurs de ce secteur en expansion. En plein hiver à New York le magasin d'alimentation Trader Joe's propose à ses clients des tomates, concombres, basilic et autres poivrons frais - tous étiquetés "organic". Or, ces produits, disponibles à l'année, sont cultivés à des milliers de kilomètres de là, à l'ombre des cactus du désert de Basse Californie au Mexique. Del Cabo Cooperative exporte par avions et camions quelque 7,5 tonnes de tomates et de basilic chaque jour vers les Etats-Unis. Cette exploitation agricole, située sur la pointe sud de la péninsule californienne, comme de nombreuses autres qui font du commerce avec le grand géant du Nord, a connu un boom sans précédent grâce à l'engouement des Américains. Les fruits et légumes arrivent en tête des produits bio les plus vendus dans un marché qui pèse près de 30 milliards de dollars aux Etats-Unis. Mais tout le monde ne bénéficie pas de cette nouvelle manne. Agricultures intensives... bio Dans une région extrêmement aride comme la Californie, l'eau est un luxe et de nombreuses sources sont déjà à sec . Les petits producteurs locaux ne parviennent pas à faire face. Selon des organisations environnementales mexicaines, un tiers des nappes phréatiques de Basse Californie sont surexploitées, malgré le recours à des techniques de conservation de l'eau comme la micro-irrigation. Si les exploitants respectent à la lettre un strict cahier des charges pour pouvoir bénéficier de l'appellation bio, on peut s'interroger sur la durabilité d'un tel mode d'exploitation. « L'agriculture biologique était en phase avec le développement durable, mais aujourd'hui, ça n'est plus toujours le cas », explique Michael Bomford, cité par le New York Times. Ce scientifique de la Kentucky State University a étudié l'émergence de ces nouvelles formes « d'agricultures intensives bio », où l'on pratique par exemple la monoculture, avec les conséquences que l'on connaît en termes d'appauvrissement des sols. Autre changement : il était conventionnellement accepté que les fruits et légumes bio soient de toutes tailles, formes et couleurs. Or, Sueno Tropical, une entreprise américaine qui opère au Mexique, s'assure que ses tomates bio destinées à l'export sont bien rondes, rouges et uniformes. Celles qui ne remplissent pas ces critères esthétiques sont vendues sur le marché local. En Basse Californie, ce nouveau business créé des tensions à cause de la surexploitation de l'eau. Les chaines hôtelières et les exploitants agricoles se pointent mutuellement du doigt. Mais les études démontrent sans ambiguité la part de responsabilité des agriculteurs : « ils pompent beaucoup d'eau souterraine, et cela bénéficie à quelques groupes de chaque côté de la frontière aux dépens de l'environnement », remarque Victor Miguel Ponce, un professeur d'hydrologie à la State University de San Diego. La prise de conscience des contradictions générée par une agriculture bio pas locale a fait réagir un peu partout aux Etats-Unis. De nombreuses initiatives ont vu le jour pour acheter des produits cultivés localement - dans un rayon de moins de 200 km. Des restaurants à San Francisco, Los Angeles, Seattle et même New York font pousser leur propres ingrédients (Brooklyn a lancé la mode des toits-potagers) et plus de 13 000 fermes commercialisent leurs fruits et légumes via des un style d'AMAP, un chiffre 15 fois plus important qu'en France. Le bio en France Le marché des produits bio a été multiplié par 4 en 10 ans en France pour atteindre 4 milliards d'euros en 2011, soit environ 2,6% de la consommation alimentaire en France, selon les chiffres publiés par l'Agence Bio le 14 février 2011. 65% des ventes se font dans les moyennes et grandes surfaces et la région parisienne est la plus consommatrice. Ces produits sont massivement importés car l'agriculture biologique ne représente aujourd'hui que 4,6% des surfaces agricoles en France. L'objectif fixé par le Grenelle de l'environnement était d'atteindre 6% des surfaces en 2012. ecologie environnement agriculture_bio | |
| Cécile Grégoriades à New York © 2012 Novethic - Tous droits réservés | |
Une agriculture durable, soucieuse de préserver l'environnement et de mettre l'homme au centre de ses préoccupations.
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mercredi 7 mars 2012
Ce que change la pénurie bio aux Etats-Unis
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