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lundi 24 janvier 2011

Bien nourrir le monde – la nouvelle mathématique


Nous souffrons aujourd’hui d’anxiété alimentaire, bombardés que nous sommes de messages déconcertants sur ce qui constitue ou non un régime alimentaire à la fois sain et éthique. Faut-il manger « local »? Le biologique est-il vraiment meilleur pour l’environnement? Les aliments génétiquement modifiés et le poisson d’élevage sont-ils aussi néfastes qu’on le prétend? Est-il possible d’être à la fois « vert » et carnivore? Et quel lien y a-t-il exactement entre l’alimentation et les biocarburants?

Cette angoisse généralisée est alimentée par le déferlement ininterrompu, dans les médias, de messages souvent très divergents. On nous rebat les oreilles avec l’alimentation locale, les marchés fermiers, le « 100-mile diet » (c’est-à-dire le fait de se nourrir d’aliments produits dans un rayon d’environ 160 kilomètres), les produits naturels et biologiques, l’agriculture industrielle, l’empreinte écologique, les OGM et les kilomètres-assiettes – la quantité d’information véhiculée est telle qu’on ne sait plus où donner de la tête, sans compter que les contradictions sont nombreuses.

Les consommateurs recherchent des produits à la fois sains et abordables et veulent savoir quels systèmes alimentaires sont respectueux de l’environnement. Les agriculteurs, quant à eux, se demandent comment produire ce que les consommateurs recherchent tout en réalisant un profit raisonnable. Les détaillants, de leur côté, cherchent de nouveaux fournisseurs capables de répondre aux attentes élevées de leur clientèle en matière de qualité et de salubrité. D’autres, encore, se préoccupent de trouver les moyens de nourrir 9 à 10 milliards de personnes malgré l’épuisement progressif des ressources non renouvelables.

Le Canada compte parmi les plus grands exportateurs de denrées agricoles. L’émergence de l’ « achat local » et du concept de « kilomètre-assiette » dans un contexte de production caractérisé par une saison de croissance courte ajoute à la complexité. Notre système agricole est-il « viable »? Comment le savoir et, surtout, comment mesurer une telle abstraction?
L’évaluation du cycle de vie, un processus d’évaluation approfondie, permet de répondre à cette question difficile. Il s’agit en quelque sorte de soumettre un produit alimentaire à ce qui s’apparente à un examen médical complet; une analyse énergétique qui tient compte de tous les facteurs de production et de consommation qu’il est raisonnablement possible de mesurer.

L’évaluation du cycle de vie permet de mesurer la quantité d’eau utilisée, l’épandage de pesticides, les dépenses en engrais, la quantité de dioxyde de carbone absorbée par la photosynthèse, les techniques de récolte et de séchage des récoltes, les procédés d’entreposage, l’élimination du produit, l’emballage, le cycle de l’azote, les conditions climatiques et des dizaines d’autres facteurs qui interviennent dans le processus de culture, mais dont on a moins conscience. Partout sur la planète, l’évaluation du cycle de vie est devenue la nouvelle mathématique de l’agriculture et des affaires.

À titre d’exemple, l’évaluation du cycle de vie a révélé que, dans certains cas, il était plus éconergétique de transporter des fruits et des légumes sur des milliers de kilomètres que de cultiver ces derniers localement; que l’utilisation de semences génétiquement modifiées peut prévenir l’épandage de millions de kilogrammes de pesticides chaque année; que les poissons d’élevage pourraient bientôt devenir notre seule source durable de protéine; ou, encore, que les biocarburants ont un rôle à jouer dans la nouvelle économie.

L’évaluation du cycle de vie permet de déterminer de manière concrète quels aliments et quels systèmes de production agricole ont la plus faible empreinte écologique. Elle remet les pendules à l’heure en établissant des faits incontestables, qui, souvent, ne concordent pas avec l’opinion populaire ou les mythes et l’information véhiculés, et révèle que les choix les plus « verts » ne sont pas toujours ceux qu’on croit.

De belles occasions se profilent à l’horizon pour l’agriculture canadienne et les entreprises agricoles familiales, en particulier celles qui sauront s’adapter aux changements profonds que rendent désormais possibles les nouvelles technologies et qu’exigent plus que jamais les consommateurs. Ces changements s’opéreront à un rythme rapide, de sorte que dès 2020, l’agriculture canadienne aura (ou devrait-on plutôt dire « devra avoir ») un visage très différent.
Par Al Scholz


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